Avec les zabalines du Nil de Louxor.

Ce sont des éboueurs un peu particuliers. Leur mission :collecter les ordures des bateaux de croisière qui naviguent sur le Nil entre Louxor et Assouan. Reportage.

Les  zabalines du Nil.Il est 11h du matin. A bord de leur bateau, les zabalines – éboueurs – viennent de finir leur première tournée sur le Nil. Le ramassage des ordures des navires de croisière a duré trois heures. Le confort des touristes se paye aussi au prix de la disparition discrète des centaines de kilos de déchets qu’un navire produit. C’est l’affaire de cette flotte d’éboueurs très organisée. Un camion recule jusque dans l’eau, pour que les employés sur le bateau y transbordent leur récolte : plusieurs dizaines de sacs-poubelles noirs et bleus. L’un des hommes ôte sa chemise et en profite pour piquer une tête dans le fleuve. Juste à côté, un jeune garçon douche son dromadaire. A Gourna, sur la rive ouest du Nil, il faut prendre le chemin de Ramlah, le “chemin du sable”, pour arriver jusquelà. Il passe entre des villas et de beaux jardins fleuris. Une centaine de mètres plus loin, un petit sentier bifurque vers le Nil. Une trentaine de gros sacspoubelles sont entassés sur la rive. Des gens s’activent sur de petits bateaux croulants sous les ordures. C’est le site de déchargement des éboueurs. Dans une petite cabane à proximité sont stockés les bidons d’huile de moteur des bateaux de croisière, huile qui sera revendue à des usines.

La tournée des éboueurs passe en moyenne par 35 navires par jour.

Trois compagnies privées se chargent de la collecte des déchets des bateaux de croisière à Louxor : Alhuda, Redaco et Ahl El-Beit.Hajj Sayed est le propriétaire d’Alhuda. “J’ai commencé à travailler dans ce domaine il y a dix-huit ans”, raconte l’homme, habillé à l’occidentale et coiffé d’une calotte blanche. “J’ai deux bateaux. C’est moi qui les ai fait construire. J’ai étémécanicien et chauffeur avant de travailler dans la collecte des ordures.” Maintenant il passe sa journée assis sur son canapé, à l’ombre d’un arbre. Il boit son thé et supervise ses ouvriers en les houspillant. “J’ai signé un contrat avec le comité de la ville de Louxor pour collecter les déchets des croisières. Dans ce contrat, il y a toutes les instructions : mes bateaux récupèrent les ordures, des camions les transportent vers une montagne, très loin dans le désert. Et là, on les brûle.

Les bouteilles en plastique sont mises dans des sacs à part et sont recyclées”, explique le propriétaire d’Alhuda. “Les responsables de l’environnement viennent inspecter notre travail, et tout va bien chez nous. Il n’y a pas de problème», affirme-t-il, sûr de lui. La tournée des éboueurs passe en moyenne par 35 bateaux par jour. Mais le lundi est une journée particulièrement chargée. Les zabalines qui travaillent pour Hajj Sayyed font deux tournées, une lematin, et l’autre l’aprèsmidi, et récoltent les ordures de près de 65 navires. “Beaucoup de croisières arrivent le lundi à Louxor. C’est pour cela que l’on doit passer deux fois”, explique Rabie, 61 ans, l’un des zabalines d’Alhuda. “Je travaille sur ce genre de bateaux depuis douze ans, et le mécanicien, c’estmon filsMohammed”, dit l’homme avec une certaine fierté. Je gagnais 170 LE,mais avec l’inflation des prix, on a augmenté nos salaires, maintenant je gagne 200 LE”, ajoute t-il. Hajaj, 26 ans, a les cheveux en bataille et la peau tannée par des heures passées sur l’eau. Il a commencé enfant à décharger les ordures, puis a été au chômage pendant longtemps. “J’ai cherché du travail partout, dans toute l’Egypte. Je suis allé à Charm El-Cheikh et à Alexandrie, mais je n’ai rien trouvé. Finalement je suis revenu avec les zabalines”, confie-t il l’air résigné.

Un premier tri est effectué sur le navire. Les déchets sont ensuite acheminés dans le désert pour être brûlés.

Les  zabalines du Nil.Il est midi, et comme tous les lundis, les bateaux commencent à se mouvoir pour leur deuxième tournée. Saïd, 60 ans, en galabeyya, est le capitaine de l’un d’entre eux. L’embarcation a été fabriquée à partir de pièces récupérées. Sur le Nil, une petite brise frappe les visages, mais elle ne suffit pas à recouvrir la puanteur dont est imprégné le bateau, pourtant vide. Voilà le premier navire de croisière à vouloir se débarrasser de ses ordures : le “Regency”. Avec adresse, Saïd se rapproche de l’arrière de l’énorme bâtiment. Une petite secousse : les deux bateaux se cognent, mais le choc est amorti par les pneus usagés accrochés sur leurs flancs. Accostage réussi. Une épaisse fumée noire sort des gros pots d’échappements à l’arrière du “Regency” et irrite les bronches. L’un des zabalines grimpe sur le vaisseau et échange quelquesmots en riant avec ses employés. Il prend les sacs-poubelles stockés dans un grand frigo et les passe à Mahmoud. Enmoins de cinq minutes, l’affaire est réglée. Mahmoud a 17 ans. “Je suis encore au lycée. Je rêve d’être ingénieur. Je ne continuerai pas avec les déchets”, espère le jeune homme. Le contenu des sacs est sommairement trié : les cartons sont mis dans un coin du bateau, les bouteilles en plastique atterrissent dans des sacs à part. Les autres poubelles sont entassées sur le pont avec soin pour ne prendre qu’un minimum de place. Mission accomplie. Le travail auprès du “Regency” est terminé. Des morceaux de pain, des pelures de légumes, des bouteilles flottent dans l’eau à l’arrière du bateau. Mais déjà Saïd et son équipage s’éloignent dans l’ombre du géant de fer. Sur le pont, quelques mètres plus haut, les touristes ne se sont aperçus de rien.

Shahinaz Abdel Salam et Nadia Shahine - Le Calame - Juin 2008.

Entretien avec Ramadan Seddik Ahmed, directeur adjoint du bureau de l’Environnement.

Comment sont traités les déchets produits par les bateaux ?

Les eaux usées sont traitées à bord, puis pompées par les égouts de la ville. A Louxor, il y a une vingtaine de bornes de pompage. Trois bateaux peuvent se raccorder à chacune d’entres elles. Certaines de ces bornes appartiennent à des sociétés privées, d’autres au ministère du Tourisme. Il y en a aussi à Qena et à Assouan.

Quelles sont les sanctions en cas d’infraction ?

Les contrevenants s’exposent à des amendes de 1000 à 20 000 LE, ou à un retrait du permis quand il s’agit d’un bateau. En avril 2008, il y a eu vingt-deux infractions sur des navires de croisière : eaux non traitées, bateaux non connectés aux bornes de pompage, appareils de traitement défectueux, etc. C’est un bon résultat quand on sait qu’il y a 280 bateaux entre Louxor et Assouan. En 2007, quatre permis ont été retirés, et les touristes ont été transférés sur d’autres bateaux. Il faut deux mois de procédures pour refaire un permis.

Recueilli par Nadia Shahine

Commentaires

  • Sara
    • 1. Sara Le 27/01/2012
    Au sujet des bornes de pompage des eaux usees a Louxor elles ne FONCTIONNENT PAS il n'y qu'a passer a cote pour bien voir qu'elles sont hors d'usage........ les bateaux s'y raccordent pour ''faire croire'' mais rien de plus ils vident leurs cuves dans le Nil sans etre vus mais cette pratique est connue de tous! Combien de bateaux de croisiere degazent egalement n'importe ou sur leur trajet? J'espere de tout coeur que l'orsqu'il y aura un nouveau gouvernement ce sujet sera traite, c'est urgent!

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